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Juste un trait d'encre noire
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  • Un blog pour partager des écrits de toutes sortes, au fil de l'inspiration des jours à venir. Récits de balades - le plus souvent pudiques, mais qui pourront parfois sembler indécents à certains - dans les contrées de mon âme trouble.
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4 juin 2017

Dialogue avec Amour

" Dois-je te dire combien je t'ai aimé, quand je n'étais encore qu'une enfant ? Et que même je t'ai désiré ?

- Ne te donne pas cette peine, je le sais. Cela remonte à presque quarante ans, un souvenir bien lointain, mais je me souviens.

- C'est vrai, oui, cela fait longtemps. Tu étais un beau petit garçon, tellement sensible et altruiste. Je t'aimais d'un amour enfantin mais profond. Le plus pur. Et puis, tu étais un artiste en culottes courtes, ça me fascinait cette perception du monde qui était la tienne, si différente des autres enfants. C'est sans doute là qu'a pris racine mon goût immodéré des artistes. Je me rappelle tes lettres enflammées d'amoureux rêveur, avec ces décorations colorées et pailletées que tu mettais partout. Ah, les précieux souvenirs ! On a grandi. On change beaucoup en quatre ans, à cette époque où peu à peu on quitte l'enfance. Un jour tu as aimé une autre fille. Plus tard, c'est dans les yeux de quelqu'un d'autre que je me suis sentie à nouveau une personne unique et précieuse.

- Oui, c'est ce que tu étais pour moi. On en a passé alors des nuits merveilleuses. Deux adolescents sagement allongés l'un près de l'autre sur le sable encore chaud. Je t'ai appris à regarder les étoiles et t'ai enseigné leur nom.

- Un bref mois d'été, mais je conserve en mémoire le goût exquis du sel sur ta bouche.

- Ah oui, c'est vrai, nous rêvions la nuit, les yeux tournés vers le ciel, mais le jour durant, toi et moi, on était des dauphins. Nageant dans la Grande Bleue ou filant sur son dos, nos peaux étaient saveur iodée toute la journée.

- A la fin août, chacun est rentré chez soi. Nous avons passé quelques mois à nous écrire des histoires d'amour puis, un jour, j'ai reçu ta dernière missive, s'achevant par ces mots : « oublie-moi ! »

- Eh bien oui, ainsi vont les amourettes d'été. La distance, notre différence d'âge, c'était perdu d'avance. Le pragmatisme qui me caractérisait déjà m'a intimé l'ordre de mettre un terme à cette idylle sans lendemain dans laquelle, en outre, je te sentais t'enliser, nourrie d'espoirs déraisonnables.

- Aujourd'hui bien sûr, je reconnais que tu avais raison, mais à l'époque, ce fut si douloureux.

- Je comprend, mais tu sais aussi bien que moi, je l'espère du moins, qu'il m'est impossible de te demander pardon.

- Oui, il n'y a rien à pardonner. Ainsi vont les choses.

- Et puis, environ un an après, au lycée, je te suis revenu sous les traits d'un jeune homme marginal et fougueux. Et, comme tu ne peux me résister, encore une fois, tu t'es emballée plus que de raison. Tu allais trop vite. Tu m'as fait peur, je n'étais pas prêt à m'engager, moi, alors j'ai pris mes distances. Rupture. Loin de te donner l'occasion de prendre du recul, ça t'a rendu folle de chagrin. Tu as voulu mourir...

- Voilà qui est indéniable. J'avais dix sept ans et pour moi, la fin de cet amour mystique avec mon prince ténébreux, c'était la fin de tout. Pfff, « on n'est pas sérieux quand on a dix sept ans », même avec la mort. Mais ça, on ne le sait que bien plus tard. A même pas vingt ans, on se croit immortel.

- Bientôt, c'est sous l'apparence d'un petit jeune homme intelligent, charismatique, fou de reggae, de montagne, d'amitié et de photographie, que j'ai passé des semaines à te faire une cour assidue.

- Yeah ! Rastafari ! Jusqu'à ce que je finisse par céder à tes avances. Trois jolies années de ma vie à tes côtés. Tu étais mon île. On a déménagé dans le sud, toi et moi savons pourquoi.

- Certes. Et là tu m'as plaqué pour repartir bien vite vers le nord épouser ton prince russe.

- Ce qui s'est d'ailleurs soldé par un cuisant échec. Mais bon, l'amour a ses raisons...

- Je le reconnais, oui, je peux être capricieux et inconstant. Je vais et je viens...

- Entre tes reins.

- Quoi ?

- Non non. Rien.

- Où en étions-nous ? Ah oui, on s'est marié.

- Une drôle d'idée quand on y pense, non ? On s'engage, la foi chevillée aux tripes, pour finalement s'éloigner bien vite l'un de l'autre. Se perdre.

- Oui ! Doucement je m'efface. On se fait mal. Je pars sur la pointe des pieds.

- Et moi je tombe malade.

- Tout à fait toi, ça, irrationnelle et excessive. Puisse le temps assagir les passions qui t'habitent. Tout ça me tracasse pour toi.

- Oh, je ne veux surtout pas t'embarrasser ni t'inquiéter. Passe donc ton chemin, Amour, tu dois avoir bien mieux à faire que de perdre ainsi ton temps à bavarder avec moi. S'il-te-plaît, cesse de me chavirer le cœur et l'âme.

- Bien, puisque tu le demandes alors je te laisse. Mais je reviendrai, le jour où, peut-être, tu t'y attendras le moins."

 

Amour et Psyché_Le Louvre

Amour posa un baiser tendre sur le front de Clémentine et disparut dans le petit bois broussailleux qui bordait le chemin de halage.

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