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Juste un trait d'encre noire
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  • Un blog pour partager des écrits de toutes sortes, au fil de l'inspiration des jours à venir. Récits de balades - le plus souvent pudiques, mais qui pourront parfois sembler indécents à certains - dans les contrées de mon âme trouble.
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7 juin 2017

Etrangeté du quotidien. Une semaine en exploration.

Lever de soleil sur l'océan, Vladimir Kush

Lundi.

 

Le ciel aujourd'hui est coupé en deux : gris anthracite d'un côté, bleu azur de l'autre. Sur l'autoroute, le vent souffle en rafales. Nombreuses sont les voitures, surtout celles finissant de dépasser un poids lourds, qui se déportent brusquement vers la gauche. Vigilance !

La luminosité ambiante, tellement étrange, projette dans une autre dimension. Pour peu que l'imaginaire s'en mêle, l'atmosphère bizarre de ce jour transporte dans le décor d'un film de science-fiction, d'un bord de mer estival essuyant une tempête orageuse, d'un rêve inquiétant.

Huit février. Premières giboulées de l'année... Dans la campagne dégagée un arc-en-ciel s'est formé. Jamais je n'en ai vu d'aussi beau. N'ayant en effet pas le souvenir d'avoir déjà eu la vision de ce phénomène météorologique dans son extraordinaire globalité. C'est une arche multicolore parfaite qui se dresse sur le plateau de Milly, ses deux piliers irradiants posés sur la terre.

 

 

Mardi.

 

Réveil.
J'ouvre les yeux et, comme d'habitude, mon regard se porte immédiatement sur la fenêtre de notre chambre en hauteur. Derrière le toit de la grange, la forêt d'acacias ondule sous les assauts du vent violent qui balaie le nord de la France depuis hier. Les troncs géants et leurs cimes dénudées se balancent élégamment au rythme des rafales. On se croirait tout près d'un littoral malmené par un gros grain. Nous sommes pourtant bien loin de la mer déchaînée qui assiège en ce moment les côtes bretonnes. Et quand même, il flotte dans l'air comme une tension dramatique. Je songe aux interminables heures d'attente angoissée des proches guettant le retour des marins, les jours de tempête. Les nuages se pressent dans le ciel. Où donc leur course folle les entraîne-t-elle ?
La maison craque et siffle, les volets claquent, les chats sont rentrés. Dehors les branches mortes tombées au sol tourbillonnent et s'emmêlent, tels les ballots de végétaux secs – joliment nommés « virevoltants » – que l'on voit rouler dans les westerns.

Je me terre dans mon bureau. Je pense à Dorothy et à son extraordinaire périple au pays du magicien d'Oz. J'ai peur de m'envoler si je mets le nez dehors

 

 

Mercredi.

 

Jour d'écriture. Jour numérique.
En ce mercredi de février où il fait enfin froid, sur le réseau social où je suis souvent connectée, je vois deux informations passer à la suite. L'enchaînement de ces deux actualités génère en moi une impression d'abrupt. Il manque quelque chose.


La première : Un procès s'ouvre...
L'affaire d'une quadragénaire séquestrée et torturée par deux hommes pendant huit mois, sous le regard complice de deux femmes. Enfermement, sévices et humiliations – dont je tairais les détails écœurants – plus de trois saisons durant, pour avoir simplement répondu à une annonce de proposition de colocation.

Ça se passe en France. Les faits jugés à partir d'aujourd'hui remontent à 2012.

La seconde : On peut en ce moment voir une exposition de bijoux anciens de la plus pure tradition joaillière maghrébine. Des photos de pendentifs, fibules et autres boucles d'oreille sublimes illustrent l'article. Pour les admirer en vrai : direction l'Institut du Monde Arabe.


D'abord un fait divers sordide attestant, s'il en était encore besoin, de l'indéniable sadisme et de la plus intolérable cruauté dont est capable l'être humain. S'ensuit une réclame vantant l'intérêt d'aller contempler les détails somptueux d'objets d'ailleurs, venus d'une autre époque, conçus et fabriqués de mains d'Hommes en quête de beau.


Étrangeté dans cette manière dont, à présent, on reçoit des informations multiples, en continu, dans des domaines ou sur des sujets extrêmement éloignés, quelquefois même opposés, sans aucune transition. Sans temps de respiration. Sans place pour un espace où exercer notre individualité dans le traitement intime de toute l'énorme masse de nouvelles ce qu'on nous fait quotidiennement ingurgiter.

 

Un sujet qui peut... nous émerveiller,

nous faire voyager, dans le temps ou l'espace,

nous entraîner dans une rêverie,

nous chavirer le cœur,

ou nous faire simplement sourire,

 

… succède immédiatement

à un autre qui... nous aura moralement bousculé,

nous aura empli de colère ou d'indignation,

nous aura meurtri de compassion,

nous aura rappelé l'un de nos pires cauchemars,

nous aura donné envie de pleurer, de tristesse, de dégoût ou d'amertume.

Étrangeté de notre contemporanéité médiatique qui, sans nul doute, modèle et transforme notre cerveau, sans discontinuer ; à notre insu. Mais... qui de l’œuf, ou de la poule... ?

 

 

Jeudi


Aujourd'hui est paru le numéro d'une revue de spécialistes qui révolutionne le domaine de l'astronomie1. Les scientifiques attendaient cette parution depuis le quatorze septembre dernier. Ce jour là, pour la première fois dans l'histoire de l'Homme, nous est parvenu la résultante d'un phénomène extraterrestre naturel, ayant eu lieu il y a bien longtemps, aux confins de l'univers.

 

Une violente collision entre deux trous noirs, qui ensuite s'engloutissent l'un l'autre pour n'en faire plus qu'un, engendre ainsi une sorte d'onde de choc, qui part ensuite en expansion continuelle et se multiplie à l'infini. D'une, elle devient multiple et se disperse. Les ondes gravitationnelles, ainsi les nomme-t-on, ondulent donc dans l'univers, tels les ronds que l'on fait dans l'eau en faisant des ricochets. Néanmoins, à la différence des ronds dans l'eau, bien innocents, ce clapotis cosmique déforme ce que nous définissons comme temps et espace. Il rend élastiques ces conventions humaines.

 

Il y a 101 ans, un monsieur du nom d'Einstein affirmait, avec force détails – c'est le moins que l'on puisse dire –, qu'un tel phénomène devait exister, mais que l'humain ne le percevrait certainement jamais. Son postulat était sensé ne rester, à jamais, qu'à l'état de théorie...

 

 

Vendredi.

 

Un jour de printemps automnal. Un jour d'automne printanier. Quelques heures d'hiver par ci, par là.

Ainsi va le temps en ce moment.

Aujourd'hui le ciel est gris et curieusement lumineux pourtant.

Je bois un café vert à la cardamome, breuvage doux et savamment épicé.

Il a neigé tout à l'heure. De gros flocons qui n'ont pas tenu. Je vais allumer le feu dans le foyer.

La maison est froide et humide sans cela.

 

Narcisses, jacinthes des bois et muscaris sont déjà sortis, de même que les petites fleurs délicates rose-orangé du pommier sauvage.

 

Les arbustes bourgeonnent alors que le calendrier affiche février.

 

La météo et la nature sont décidément la bizarrerie majeure de cet hiver...

 

 

Samedi.

 

Souvent il arrive à mon compagnon de regarder l'horloge de son portable, de manière tout à fait hasardeuse, au moment même où les heures et les minutes sont identiques : 01h01, 12h12, 21h21, etc. Mais depuis quelque temps, c'est le schéma 11h11 qui revient le plus fréquemment.

 

Aujourd'hui, en rentrant de la boulangerie il me dit : « Tu ne me croiras jamais. » A mille lieues de songer à cette singularité numérique qui est une de ses particularités, je demande : « Quoi donc ?... » Il me répond : « J'en ai eu pour 11 euros 11 ! »

 

Et voilà qui me laisse perplexe, alors que je regarde, se balançant d'un même rythme dans le vent, les arbres du voisin et les plantes sur le trottoir d'en face.

Intérieurement je me questionne. Qu'est-ce que ça veut dire, d'être numériquement connecté ?

 

 

Dimanche.

 

Début de soirée.

Je descends au salon où mon homme regarde Canal Foot, ce qui est très inhabituel. En fait, c'est peut-être même la première fois, depuis deux ans et demi que nous habitons ensemble, que je le trouve devant ce programme. J'arrive donc dans la pièce et j'entends une femme interviewée dire : « Je le suivrai ».

Sans savoir pourquoi, je me mets à chanter un titre que je ne fredonne jamais.
« Je te survivrai d'un amour sans fin... Là, mon compagnon m'interrompt.
- C'est fou quand même ça.
- Quoi donc ?

- Ce que tu chantes. Pourquoi tu chantes ça?

- Aucune idée. Ça m'est venu comme ça.

- Je te dis ça parce que le type qui chantait ça, avant d'être chanteur, il avait été un grand footballeur de Saint Étienne. Tu le savais ?

- Non, tu sais, moi et le foot... Et alors ?

- Bah c'est curieux quand même. Tu n'as jamais chanté ça que je me souvienne. Et là, tu te mets à fredonner cet air alors que l'émission que je regarde porte justement, à cet instant même, sur l'actualité du club stephanois. Ah, le voici ton fait étrange du jour ! »

1 http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/02/11/les-ondes-gravitationnelles-detectees-un-siecle-apres-avoir-ete-predites_4863745_1650684.html#dxPXHjghOqA0JVsi.99

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