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Juste un trait d'encre noire
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  • Un blog pour partager des écrits de toutes sortes, au fil de l'inspiration des jours à venir. Récits de balades - le plus souvent pudiques, mais qui pourront parfois sembler indécents à certains - dans les contrées de mon âme trouble.
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17 juin 2017

Chemins. Exercice du texte coupé

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Voici l'un des exercices les plus laborieux que j'ai eu à faire lors d'un atelier d'écriture.

On nous a fourni le texte suivant auquel il manque de larges pans. En effet, les lignes ont été "rabotées" à gauche et à droite. Chacun a donc pour consigne de reconstituer un récit cohérent à partir de ces fragments.

 

- Nous allons nous reposer /

chemin, dit Pierre, parce que /

n'avons pas dormi à cause de /

pas de chambre à l'hôtel, /

 

- Je me souviens /

de ses quatre ans elle essaya /

voit bien, jusqu'au fond de /

genoux de Claire. /

Maria est maintenant dans /

retrouvée de l'endroit. /

chemin la chaleur est immobile. /

tous les points du corps des sources de /

- Vingt mètres encore, /

Je te préviendrai. /

 

Pierre avance. Les /

debout, le /

nulle part. C'est celle de /

très exactement un /

centre duquel s'est couché, /

heures, Rodrigo Paestra. /

moisson au bas de la vallée. /

la route de Madrid. /

journée. /

Voici que le chemin /

profond que le niveau des /

voient plus. Des moissonneurs, /

figée par l'attention. /

- Il faudrait que /

Il s'arrête /

Quelques-uns d'entre /

vers la Rover. /

Pierre sort de l'auto /

 

 

Et voici le récit que j'avais produit en partant de cette mosaïque :

 

 

- Nous allons nous reposer un peu d'accord ? Nous allonger sur l'herbe molle au bord du chemin, dit Pierre, parce que cela nous fera du bien ; ça nous rappellera cette fameuse nuit d'été où nous n'avons pas dormi à cause de l'amour fou qui nous débordait. Tu te souviens ? Nous avions voulu dormir dehors : surtout pas de chambre à l'hôtel, la voûte céleste pour seul toit, la terre comme unique couche. Et il avait tant plu… Mon Dieu toute cette pluie !

- Je me souviens.

Judith regarde aussi les alentours, comme le font ses parents. Du haut de ses quatre ans elle essaye soudain de saisir ce qui les émeut tant dans ce paysage. De fait, son immense regard le voit bien, jusqu'au fond de l'abîme des yeux mouillés de son père, qu'elle scrute la tête penchée, debout sur les genoux de Claire.

Maria est maintenant dans la féerie miraculeusement retrouvée de l'endroit. Elle se remémore les mots du Pierre d'alors : " Tout le long de ce chemin la chaleur est immobile. Les herbes séchées par le vent brûlant sont autant de fils d'or et tous les points du corps des sources de sensations nouvelles, curieuses, délicieuses.

- Vingt mètres encore, lui disait Pierre.

Je te préviendrai. "

 

Les mots sont revenus aux oreilles de Maria et elle revoit à présent nettement la scène.

 

Pierre avance. Les autres, elle-même, tous se sont affalés sur les herbes sèches, lui est demeuré debout, les yeux rivés vers un ailleurs qu'il semble être le seul à voir : la direction de nulle part. C'est celle de ses rêves, de ses ambitions, de ses espoirs fous. Il se rapproche, s'assoit près d'elle et lui explique avec gravité, en chuchotant au creux de son oreille, qu'il faut qu'ils engendrent très exactement un mois après le solstice d'été un petit homme, et qu'ils viennent le déposer dans ce cercle, qu'il a tracé dans le sable avec un bâton et au centre duquel s'est couché, il y aura bientôt deux heures, Rodrigo Paestra. Elle se souvient des bruits, des rires des paysans et des chants des femmes qui faisaient la moisson au bas de la vallée. Il faisait un temps magnifique ce jour-là sur la route de Madrid. Ils s'étaient levés tôt et avaient profité pleinement de cette incroyable journée.

 

Voici que le chemin de leurs premiers émois les faisait aujourd'hui plonger dans un douloureux sentiment de gâchis, plus profond que le niveau des océans qu'ils avaient tant admirés ensemble. A présent ils regardent mais ne voient plus. Des moissonneurs, des fils d'or, du cercle magique, que reste-t-il ? Maria balaie l'horizon, elle semble figée par l'attention. En fait elle surveille les alentours, l'œil aux aguets du moindre danger qui pourrait survenir sur la trajectoire insouciante des jeux de ses filles. C'est une mère. Avant tout.

 

- Il faudrait que nous repartions maintenant, lui lance Pierre par la vitre ouverte de la voiture de laquelle, en fin de compte, il n'est même pas descendu. Il démarre, fait demi-tour, et avance un peu. Un voile assombrit soudain son regard. Il s'arrête. Une larme perle au coin de son œil gauche, il regarde leurs filles… Ils étaient tellement amoureux. Quelques-uns d'entre nous au moins parviennent-ils à mener leurs rêves jusqu'au bout ? S'interroge-t-il. Ses "femmes" reviennent vers la Rover.

Pierre sort de l'auto pour aller à leur rencontre. Il pleure.

 

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