Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Juste un trait d'encre noire
Juste un trait d'encre noire
Juste un trait d'encre noire
  • Un blog pour partager des écrits de toutes sortes, au fil de l'inspiration des jours à venir. Récits de balades - le plus souvent pudiques, mais qui pourront parfois sembler indécents à certains - dans les contrées de mon âme trouble.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives
Visiteurs
Depuis la création 11 206
2 août 2017

La table des matières ; suite 1

Gravure libertine - XVIIIe

A la requête de la grenouille de Jules ;), voici donc les deux chapitres suivants.

'Pas trop envie de jouer avec le code html, mes excuses donc pour les tabulations aléatoires.


 Maître Fingret

 

Par une chaude matinée d'avril, Maître Fingret arriva au château de M. de Charny. Tous deux étaient en affaire depuis bien des années, et au fil du temps, chacun découvrant en l'autre une sorte de jumeau en ce qui concernait la question des femmes, une affection sincère et complice s'était nouée entre eux. Le notaire était ainsi venu faire une halte de quelques jours dans la demeure de son ami, avant de se rendre à Versailles, où il avait été convié par sa majesté Eléonora en personne, au grand bal du printemps qui devait se tenir dans un peu moins d'une semaine.

 

L'officier venait en outre annoncer à son hôte son prochain mariage avec une toute jeune personne âgée d'à peine quinze ans, et qu'il allait présenter à la cour lors de la fête royale. De celle-ci, prénommée Oliva, il fit à son compagnon une description enflammée, foisonnant de moult détails. Il vanta d'abord " la grâce et l'extrême douceur de sa physionomie ", " l'océan merveilleux de ses yeux ", dans lequel il plongerait avec délice jusqu'à son dernier souffle ; puis beaucoup d'autres choses encore. Enfin il dressa surtout un long portrait de ce qu'il pensait avoir deviné - sous l'épaisseur des étoffes - des caractéristiques plus intimes de sa future épouse. Sa peau, la forme de ses hanches, la chute de ses reins, sa poitrine lourde et ferme … et il imaginait les mots qu'elle lui chuchoterait peut-être pendant qu'il la chevaucherait, et ses soupirs de plaisir. Pour dire les choses comme elles sont, c'est cela qui intéressait le plus les deux fripons ; aussi se prirent-ils au jeu des suppositions érotiques, petit divertissement qu'ils avaient inventé, et auquel ils s'adonnaient tous deux avec la même ferveur. Ainsi, pour chaque hypothèse que Maître Fingret émettait, quant aux dispositions de l'intéressée pour les choses de l'amour, M. de Charny en proposait une autre, bien plus scabreuse encore ; à chaque scène que le premier imaginait, le second en décrivait une autre qui la dépassait largement en perversité, et ce fut ainsi pendant près de deux heures. Le notaire, d'ordinaire si guindé, avait perdu toute retenue : il avait le regard d'un fou, sa mine et son sourire en cet instant trahissaient un caractère qui paraissait pouvoir atteindre des sommets de lubricité. Au terme de ce petit manège verbal, les deux hommes étaient dans un état d'excitation tel qu'il serait malaisé à décrire, disons seulement qu'ils prirent la décision de partir sur-le-champ chez Madame de Ploubumgo. Celle-ci, qui était connue pour n'être pas farouche et vous ouvrait toujours sa porte à moitié dénudée - un large sourire aux lèvres - avait à demeure de jeunes créatures charmantes, qui vous accueillaient pour le moins dévêtues, et qui satisfaisaient vos quatre voluptés sans discuter. Ils passèrent là le reste de la journée de la manière que vous pouvez imaginer … ou pas d'ailleurs !

 

Après avoir longtemps tenu le rôle de confident de la reine, Maître Fingret avait été son avant dernier amant. Aussi apprenant - sur le trajet du retour au château - les desseins de son ami, il s'empressa de lui communiquer quelques informations sur certaines des manies d'Eléonora et sur ses penchants en matière de flatterie, ce qui pourrait lui être de quelque utilité puisque, selon toute vraisemblance, M. de Charny était loin d'être au goût de sa majesté.

A la tombée de la nuit ils soupèrent copieusement, assis l'un à côté de l'autre, sans dire un mot. Leur regard éteints laissaient à penser qu'ils avaient l'esprit comme vide, et le corps libéré de tout désir. Enfin repus, ils allèrent chacun s'écrouler dans leur lit et dormirent d'un sommeil de plomb, tout habillés.

 

Le cardinal de Rohan

 

Le lendemain, alors que les deux hommes, très enjoués, étaient en train de prendre la collation de onze heures dans le grand salon, le majordome surgit et annonça l'arrivée d'un invité, dont la présence au château de M. de Charny était fort improbable, et que Maître Fingret n'aurait pas voulu croire s'il ne l'avait constatée de ses propres yeux.

 

"-  Le cardinal de Rohan !"

 

A cet avis, qui retentit dans le salon comme une sommation, le maître des lieux se leva d'un bond pour aller saluer cet hôte de marque, avec tous les égards et la pompe que l'on devait à un personnage de son rang. Son ami - ne loupant rien grace à un immense miroir suspendu à un angle de la pièce - stupéfait, ne put quitter des yeux les deux protagonistes pendant tout le temps que dura la mascarade dans le hall d'entrée. Il était éberlué et son étonnement était si visible que son compagnon de débauche - ayant entr'aperçu sa mine dans le reflet de la glace du vestibule - lui jeta un regard étrange, teinté de connivence. Oui, voilà qu'il était à présent dans la confidence. M. de Charny ne pouvait en aucun cas s'être découvert croyant, cela était tout à fait inconcevable, il fallait donc chercher une autre explication à la présence saugrenue du religieux en sa demeure.

 

En un instant, la solution à cette énigme sauta aux yeux de Maître Fingret : le libertin, à ce qu'il lui avait confié, fomentait le projet de posséder la reine depuis quelque temps déjà. Ainsi devait-il avoir - à l'instar des fins stratèges - déjà disposé un certain nombre de ses pions sur l'échiquier, qui allaient assurément le mener au succès. Plus aucun doute n'était possible, le cardinal, confesseur, ami et grand conseiller de sa majesté Eléonora était l'une des pièces maîtresses de son jeu. Il y avait fort à parier que le plan de son incorrigible ami, qui faisait intervenir l'ecclésiastique, était construit - à peu de choses près – de la manière suivante. Certainement M. de Charny faisait-il mine, depuis un temps indéterminé, de vouloir racheter ses innombrables péchés, et rentrer enfin dans le droit chemin. Il avait ainsi dû solliciter l'assistance du si puissant cardinal, qui, à n'en point douter, avait été flatté par les propos du grand maître en l'art de séduire. Alors le pendard avait à coup sûr convié l'autre à venir passer une journée ou deux dans son château, tout le temps qu'il jugerait nécessaire en fait, à l'examen de l'âme repentante du grand pécheur qu'il était, et tout celui nécessaire pour s'assurer de la sincérité de ses regrets quant à la vie dissolue qu'il avait menée jusqu'alors. Sans doute avait-il encore du appuyer son propos :

"- Ainsi, Cardinal, pourrez-vous juger par vous-même de la force de mes nouvelles résolutions, ainsi que de l'ardeur de ma foi toute neuve !"

De cette manière, M. de Charny devait bien sûr compter sur l'homme d'église pour plaider sa cause auprès d'Eléonora. Il fallait en effet, pour pouvoir mettre son projet à exécution, qu'il pût l'approcher, or elle lui refusait désormais l'accès à la cour, sous des prétextes plus incongrus les uns que les autres. Mais lui connaissait le fin mot de l'histoire. Si les portes du palais demeuraient closes pour lui, c'était qu'il faisait de l'ombre à la reine. D'abord parce qu'il avait le même tempérament et qu'elle ne supportait pas d'avoir sous les yeux une sorte de double masculin, mais par-dessus tout par la facilité de ses victoires, ce que la souveraine ressentait comme un affront, faisant des siennes à elles, si laborieuses, des sortes de pales imitations.

 

Le cardinal de Rohan, grand homme sec à la figure sévère, qui se tenait droit comme un piquet en toute occasion, avait été imposé comme confesseur personnel à Eléonora quelques années auparavant, par son époux Louis XDXII. Le roi avait à l'époque escompté que cette fréquentation aurait quelque effet bénéfique sur la nymphomanie de sa femme. Ce vice était très embarrassant car il faisait courir bien des ragots à travers tout le palais et même au-delà, mettant parfois le monarque lui-même dans des situations invraisemblables, ce qu'il ne pouvait souffrir plus avant. Puis le temps s'était écoulé, et le souverain s'était rendu à l'évidence qu'il ne parviendrait à guérir la déviance sexuelle de la reine. Louis XDXII était alors allé jusqu'à se faire son complice en quelques occasions, ce qui lui avait procuré une agréable compensation à la gêne qu'elle lui causait parfois. Le cardinal de Rohan, quant à lui, continuait à prendre sa mission très au sérieux, mais au fil des ans il s'était pris d'affection pour sa protégée, et était devenu assez indulgent à son égard, ce qui était totalement hors de ses habitudes. L'ecclésiastique était en effet réputé pour la terreur qu'il inspirait, étant absolument sans pitié à l'encontre des brebis égarées récidivistes. De lui on disait qu'il riait uniquement lorsqu'il se brûlait, et c'est donc du caractère peu commode de cet illustre personnage que nous est restée l'expression : " Rire seulement quand on se brûle ".

 


Il me reste d'autres chapitres à livrer. Avis aux amateurs...

Publicité
Publicité
Commentaires
B
L'ouvrage dans lequel figurent ces titres de chapitre a été écrit par un monument de notre histoire littéraire française. Et il n'est pas vraiment du même style...<br /> <br /> <br /> <br /> Cet exercice a été proposé aux participants d'un atelier d'écriture que j'ai suivi pendant mes tardives études de Lettres.
P
Merci très chère B_A BA, j'en suis fort aise 😊
Newsletter
Publicité
Publicité